Survie (1)

Parfois je me dis que les personnages n'existent pas, et qu'il doit par conséquent n'en rien rester au-delà de leurs oeuvres. 

Sauf que non, cette hypothèse ne tient pas la route. Parce que, dans le cadre de l'oeuvre, ils existent si totalement qu'il est impossible d'en sortir pour intellectualiser leurs non-existences, il est tout aussi impossible qu'ils ne continuent pas d'exister au-delà des illusoires points finaux. De la même façon que toute oeuvre implique du contenu dans ses ellipses, elle implique nécessairement sa propre continuité du fait que ce qui succède à son dernier point n'est qu'une ellipse ouvrant sur la reprise absolument possible de l'oeuvre ; et tout tient dans cet "absolument", car il ne peut être contredit : puisque les personnages peuvent être reconsidérés, ils vivent quelque part dans une histoire à connaître.  

Nul ne peut dire d'une histoire dont la suite n'a pas été mise en forme que cette suite n'existe pas ; cette suite n'a simplement pas encore été racontée. En somme, la question "et après ?" refuse de se soumettre à une réponse nihiliste, car elle invite positivement une réponse, et puisque c'est de l'intérieur de l'oeuvre considérée, l'intérieur tout-à-fait réel, habité, que le questionneur s'interroge sur les continuités de cette dernière, l'existence des réponses est certaine. Autrement dit, étant donné le fait que l'absolu du potentiel de la suite racontée en rend absolu le contenu, aussi permanemment inconnu soit celui-ci, la suite existe bel et bien.